J’ai retrouvé une sensation perdue, celle d’un élève de lycée qui sèche les cours pour aller au cinéma. Un film volé était un péchée, d’où l’association dans les recoins de mon esprit tordu d’une séance de cinéma à l’obscur, à l’interdit et au mal. Il y a un siècle depuis, tout a changé en moi et voila que la vie me ressort la même sensation de péché bannissable car j’ai pris ma « pause midi » pour aller au cinéma. Le festival du film court à Lille c’était un prétexte suffisant.
J’arrive, la salle vide. Deux films de la séance ne pouvaient pas être diffusés à cause des problèmes techniques. Comme quoi … D’ailleurs, la mise au point nous a retardé d’une bonne demi-heure encore (Jésus, ma pause midi … je « refectionnais » à la fourmi). L’écran panaché avec des pénibles spots atrocement sonorisés (pour tester la limite de la survie, bien probablement) nous syncopait la respiration aux quatre pauvres humains présents dans la salle. L’épreuve de la mise au point passée, le délice a été encore plus grand au moment du déroulement à l’inverse d’un film qu’on a admiré par après dans le sens normal. Ca fait tout un art en soi …
Bon, passant au dessus des malices inhérentes générés par les problèmes de logistique, j’avoue que tout autour a disparu ensuite. Plus de sensation du tout. Transposition complète dans la poésie des courts-métrages. J’ai réalisé en toute conscience mature que le vrai sens artistique et la vraie passion pour l’expression en images passe par le court-métrage. Dépourvu de tout intérêt mercantile, réalisé sans budget et sans but médiatique, les petites bijouteries d’émotion
m’ont marqué. Des révélations inattendues, des questions et sursauts insoupçonnés, tu peux guérir tout aussi bien comme tu peux tomber malade suite des messages qui te dévoilent et te définissent sur l’écran.
C’est pour dire que ma sensation de péché capital s’est distorsionnée dans un souffle artistique à retrouver à tout instant sans hésitation. (A.L.)